Quitter la plantation

2019-03-12

Aujourd’hui, Catherine Fournier a quitté la politique pour les bonnes raisons, et va probablement en payer le prix d’une défaite électorale cuisante aux prochaines élections provincials, en plus de se faire allégrement invectiver jusqu’à la fin de son mandat.

Quand on lit les commentaires sur le statut Twitter qui annonce son départ du PQ ou le tweet subséquent, on comprend rapidement pourquoi elle quitte. La tempête de boomer qui l’accuse de trahison donne entièrement raison à sa démarche, qui pourtant a été présentée d’une manière qui n’aurait pas pu être plus prudente et respectueuse. Son intention est facile à comprendre: elle quitte pour explorer les avenues possible pour l’accession à la souverainté, sans les restrictions associées à une affiliation partisane. Le mouvement souverainiste qui est bien connu pour la décapitation sommaire de ses chefs et des luttes de pouvoir internes qui semblent franchement désagréables; peut-on vraiment lui reprocher de vouloir opérer hors de cet environnement?

Tous les babounes de boomer sont prévisibles quand ont connait un tant soit peu la culture politique du Québec. Extra Ecclesiam nulla salus: la politique d’un peuple soumis, incapable d’imaginer quoi que ce soit hors des institutions qui lui est familier, préférant le connu de l’étreinte oppressive (selon l’historiographie officielle, de l’Église, mais aussi et surtout de l’État et de ses agents) aux possibilités qu’offre la liberté de toute contraint de nature politique.  

Si les souverainistes n’étaient pas trop occupés à rendre publique sur Twitter leur syndrome de Stockholm pour un parti qui ne leur a rien livré depuis des dizaines d’années et dont la fenêtre d’opportunité se ferme à un rythme effarant, ils aurait pu faire une analyse sobre de la situation. Premièrement, Catherine n’est évidamment pas moins souveraineté qu’avant, et rien n’indique qu’elle sera un obstacle au PQ, que ce soit en chambre ou dans ses démarches de communication. Dans son discours et dans ses réponses aux questions lors de sa présentation d’aujourd’hui, même le pire des cyniques ne pourrait entrevoir une volonté de s’engager dans un messianisme souverainiste à la sauce Aussant et de faire directement compétition au PQ. Des putschs comme ça, ça s’organise en groupe. Deuxièmement, elle ne le fait clairement pas pour l’avancement de sa propre carrière politique. Pour les raisons de culture politique que j’ai soulevées ci-haut, elle vient à tout fin pratique de s’assurer une défaite au prochain cycle, alors qu’elle aurait pu facilement faire comme la majorité des péquistes seniors et se présenter à l’AssNat pour mandat par-dessus mandat, impuissant sinon que pour faire des shows de boucane, seuls mécanismes par lesquels les partis sans pouvoir peuvent se convaincre qu’ils sont pertinents.

En politique, l’apostasie est pire que la non-croyance. La perte d’une des wonderchild du PQ, la plus jeune femme élue à l’Assemblée Nationale, un symbole de renouveau dans un parti moribond où l’on compte plus de nez de gin que de femmes dans le fleur de l’âge, c’est une grosse perte. Quand en plus elle ÔSE critiquer le parti qui, justement, allait ENFIN amorcer LA transformation interne qui cette fois-ci serait définitivement la bonne et allait assurément reconquérir les Québécois, s’en est trop. J’espère que ma dérision de la réponse du PQ transpire malgré ma plume médiocre.

Possiblement que je projette ma propre évolution politique, mais je pense que nous voyons les conséquences d’une prise de conscience fondamentale sur la nature de la politique chez Catherine. Si elle ne l’avait pas compris avant de quitter le PQ, les prochaines années en tant que persona non grata du mouvement indépendantiste l’amèneront assurément au constat suivant: par définition, la politique n’est PAS un milieux propice à l’échange d’idées. Il n’y a aucune place pour la dissension dans la politique institutionnalisée; on doit toujours fléchir le genou à quelqu’un, si ce n’est pas à un parti, c’est à l’électeur lambda… je vous épargne ma description de ce dernier. Je ne saurais dire quel est le pire.

Pour s’émanciper “en tant que peuple” comme le prétendent les nationalistes, se séparer du Canada est insuffisant; il faut aussi s’émanciper de la politique elle-même. Catherine,comme Kanye, a quitté la plantation; elle en payera le prix, mais je ne peux qu’applaudir son geste.